Les traitements médicamenteux de la lombalgie

Les traitements de la lombalgie ont pour objectifs de réduire la douleur, restaurer la capacité fonctionnelle, diminuer l’impact de la maladie pour le patient et pour la société. Les traitements sont divers : médicaments, traitements physiques, infiltrations, prise en charge psychologique, éducation, chirurgie dans certains cas restreints. Il apparaît donc comme une évidence que le traitement médicamenteux ne représente qu’une part de la prise en charge du patient lombalgique qui donc être plus globale y compris à la phase aiguë.

Il existe de multiples " guidelines " pour la prise en charge de la lombalgie en soins primaires. Il s’agit de synthèses des essais randomisés publiés. Les recommandations les plus récentes sont européennes et concernent la lombalgie aiguë (1). Ces recommandations sont résumées dans la figure 1 Concernant la lombalgie chronique, les recommandations de l’ANAES (2) sont résumées dans la figure 2.

Nous allons examiner les données de la littérature concernant l’efficacité de ces diverses classes thérapeutiques.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens

Van Tulder (3) a réalisé en 2000 une synthèse des essais randomisés avec les AINS dans la lombalgie dans la "Cochrane Collaboration Back Review Group ". Les résultats de cette analyse permettent de noter que : un tiers des études (16/51) sont de qualité méthodologique élevée. Par comparaison au placebo, dans la lombalgie aiguë, les résultats poolés de 3 études inclues dans une méta analyse indiquent une différence non significative sur la différence d’intensité douloureuse. Ces études étaient hétérogènes sur le plan statistique.

Une analyse qualitative a donc été conduite aboutissant aux résultats suivants : le risque relatif poolé d’amélioration globale après une semaine est significatif en faveur des AINS [RR 1.24 (IC 95% : 1.10-1.41)] ; de même que le résultat sur le recours aux antalgiques de secours °[RR 1.29 (IC 95% : 1.05-1.57)]. Dans les études comparant AINS et paracétamol, les résultats sont discordants dans 4 études (3 négatives, 1 positive). Il n’y a pas de données concluantes concernant l’efficacité dans la lombalgie chronique dans cette revue. Il n’y a pas de données pour recommander un AINS plutôt qu’un autre, ni d’arguments pour une voie d’administration autre que per os.

Depuis cette revue de 2000, plusieurs travaux apportent des éléments en faveur de l’efficacité des AINS Cox 2 sélectifs dans la lombalgie chronique. Le rofecoxib 25 et 50 mg a été comparé au placebo dans 2 études similaires ayant inclus au total 690 patients lombalgiques chroniques (4). La lombalgie évoluait depuis 12 ans en moyenne et son intensité à l’inclusion était de 75 mm sur EVA. Les patients des groupes rofecoxib se sont améliorés significativement sur l’ensemble des critères (douleur, fonction, qualité de vie, appréciation globale). A 4 semaines, la différence moyenne de l’intensité douloureuse entre les groupes rofecoxib et placebo était de -13.50 mm et -13.81 (dose de 25 et 50 mg respectivement) p<0.001, celle du score de Roland Morris de -2.22 et
-2.3 p<0.001. L’effet du traitement était diminué avec l’augmentation de l’anxiété (-19.5 mm : aucune anxiété, -9.9 mm : anxiété modérée, 1.8 mm : anxiété sévère). Des résultats du même type et de la même amplitude ont été obtenus avec l’etoricoxib (5). L’amélioration était notée après 1 semaine de traitement, maximale à la quatrième semaine et maintenue sur trois mois.

Les antalgiques

Aucun essai du paracétamol versus placebo n’a été identifié dans la lombalgie aiguë. Les antalgiques de niveau I sont cependant recommandés dans la lombalgie aiguë, comme dans la lombalgie chronique. Leur efficacité sembler admise par l’usage, ainsi que par analogie avec dautres affections rhumatismales comme l’arthrose.

Le tramadol a fait l’objet de plusieurs études spécifiques dans la lombalgie. Une étude randomisée a comparé le tramadol au placebo sur 4 semaines, après une phase de run in en ouverte identifiants les patients tolérants au traitement (6).

Le critère principal, aire sous la courbe des interruptions thérapeutiques pour inefficacité, était statistiquement significatif en faveur du tramadol (20.7% d’interruptions dans le groupe tramadol versus 51.3% dans le groupe placebo p<0.0001). Les scores de douleur, de fonction et de satisfaction étaient de même en faveur du tramadol. Des résultats similaires ont été obtenus avec l’association tramadol/paracétamol versus placebo dans la lombalgie chronique avec un bon profil de tolérance (7).

La morphine a libération prolongée a montré une efficacité sur la douleur chronique non cancéreuse (dont environ la moitié de lombalgiques chroniques), mais sans effet significatif sur la fonction et l’état psychologique.

L’oxycodone a été utilisée dans une étude randomisée ouverte par comparaison au naproxène. Cet antalgique s’est avéré efficace sur la douleur, avec un résultat meilleur si une titration était effectuée (8). Ces antalgiques doivent être utilisés avec les précautions d’usage.

Les corticoïdes

Il n’y a pas détudes ayant démontré l’efficacité des corticoïdes oraux ou intramusculaire dans la lombalgie. Un travail récent a comparé l’effet d’un bolus de 500 mg de méthylprednisolone versus placebo dans la lombosciatique (9).

Aucune différence n’a été notée à court (1,2, 3 jours) ou à moyen (1 mois) terme entre les 2 groupes.

Les myorelaxants

Van Tulder (10) a réalisé en 2003 une synthèse des essais randomisés avec les myorelaxants dans la lombalgie. L’utilisation de cette classe de médicaments est controversée mais cependant très utilisée. Trente essais randomisés ont été analysés dans cette revue. Pour les benzodiazépines comparées au placebo, le risque relatif de soulagement de la douleur lombaire aiguë après 2 à 4 jours était de 0.80 (IC 95% 0.71-0.89), celui de l’efficacité globale de 0.49 (IC 95% : 0.25-0.95). Des résultats significatifs ont aussi été mis en évidence dans la lombalgie chronique. Les effets secondaires étaient par contre plus fré- quents, incitant à limiter la prescription des benzodiazépines à un traitement de courte durée. Les myorelaxants non benzodiazépines évalués dans cette revue sont des produits non disponibles en France (cyclobenzaprine, tizanidine, chlormezazone). Tüzün et col. se sont intéressés à l’effet de la thiocolchicoside en 2 injections intramusculaires quotidiennes versus placebo dans la lombalgie aiguë (11). Un effet significatif est apparu au troisième jour sur l’intensité douloureuse, la consommation de paracétamol et la souplesse rachidienne au cinquième jour.

Les anti-dépresseurs

L’effet antalgique des antidépresseurs, et particulièrement sérotoninergiques, sur la douleur neuropathique est controversé. Salerno et col. ont effectué une revue des essais randomisés versus placebo dans la lombalgie de plus de 2 mois d’évolution (12). Neuf études ont été recensées : 2 études avec un inhibiteur de la sérotonine, 7 avec des composants hétérocycliques ou tricycliques. Les antidépresseurs étaient prescrits comme traitement adjuvant avec poursuite des antalgiques. La durée moyenne des études était de 6.8 semaines, l’ancienneté moyenne de la lombalgie de 10 ans ; la différence moyenne standardisée de l’amélioration de la douleur [0.41 (IC95% 0.22_0.61)] était en faveur des antidépresseurs ; celle de la fonction était non significative [0.24 (IC95% - 0.21_0.69)]. Les effets secondaires étaient plus fréquents dans les groupes traités par antidépresseurs (22% vs 14% p=0.01). Dans une étude ouverte testant l’efficacité de la clomipramine par voie intra-veineuse en hospitalisation pendant 10 jours puis per os à domicile pendant 20 jours, l’efficacité globale du traitement a été considérée comme un succès par 76% des patients (13). La réponse était meilleure chez les patients non dépressifs. Les scores hypochondrie, hystérie et dépression du MMPI étaient significativement plus faibles à l’inclusion chez les patients considérés en succès.

Les anti TNFA

L’implication du TNFa dans la physiopathologie de la lombosciatique par hernie discale a conduit à envisager une nouvelle approche dans le traitement de ce sous groupe très ciblé de lombalgie. Deux études pilotes ouvertes ont été publiées à ce jour. L’une a testé une perfusion d’infliximab 3mg/kg chez 10 patients ayant une sciatique sévère (14). La douleur était réduite de 50% une heure après la perfusion, 60% des patients étaient sans douleur à 2 semaines, tous avaient repris le travail à un mois. L’autre a testé létanercept (3 injections sous cutanées à 3 jours d’intervalle) (15). Des améliorations de l’ordre de 80% pour la douleur sciatique, 70% pour les scores d’Oswestry et Roland Morris étaient notées à 6 semaines. Ces résultats doivent être confirmés par des essais randomisés et un suivi à long terme du résultat.

En conclusion

Il existe des médicaments efficaces pour traiter la lombalgie et la lombosciatique.

Des associations diverses peuvent être réalisées pour optimiser le résultat sur la douleur. Certains, comme les anti TNF, sont des perspectives d’avenir dont le champ doit être exploré. Le traitement médicamenteux s’intègre dans une prise en charge multidisciplinaire et doit être évalué sur des critères les plus objectifs possibles.

Figure 1: Résumé des recommandations européennes pour le traitement de la lombalgie aiguë non spécifique
- donner une information adéquate et réassurer le patient
- ne pas prescrire le repos
- encourager les patients à rester actif et poursuivre les activités normales de la vie quotidienne incluant le travail si possible
- prescrire des médicaments si nécessaire pour soulager la douleur, de préférence à intervalles fixes ; choisir d’abord le paracétamol puis les anti-inflammatoires non stéroïdiens
- en cas d’échec du paracétamol ou des AINS, prescrire des myorelaxants en courte cure seuls ou associés aux AINS
- envisager des manipulations vertébrales (ou référer pour) en cas d’incapacité à la reprise des activités quotidiennes
-l a prise en charge dans un traitement multidisciplinaire peut être une option pour les travailleurs ayant une lombalgie subaiguë et un arrêt de travail de plus de 4-8 semaines.

Figure 2: Recommandations de l’ANAES pour le traitement médicamenteux de la lombalgie chronique
- le paracétamol peut être proposé , bien qu’il n’existe pas d’étude attestant de son efficacité antalgique dans cette indication (posologie de 4grammes/jour en 4 prises).

- l’effet antalgique des AINS proposés à titre antalgique n’a pas été évalué. Les patients doivent être informés de la nécessité de ne pas associer à un autre AINS.

- les AINS à doses anti-inflammatoire peuvent être prescrits à visée antalgique chez un patient ayant une lombalgie chronique. Le traitement doit être de courte durée.

- les antalgiques de niveau II réduisent la douleur du lombalgique. Ils peuvent être proposés après échec des antalgiques de niveau I.

- l’utilisation des antalgiques de niveau III (opioïdes forts) peut être envisagée au cas par cas et en respectant les contre-indications. Ce type de traitement s’adresse aux patients pour lesquels les autres modalités thérapeutiques ont échoué, après élimination d’un contexte dépressif. La durée doit être limitée et l’arrêt progressif.

- parmi les myorelaxants, seul l’effet antalgique du tetrazepam a fait lobjet d’une étude dans la lombalgie chronique. Ces médicaments peuvent être prescrits préférentiellement chez un patient ayant une recrudescence douloureuse, sans dépasser 2 semaines de traitement.

- les antidépresseurs tricycliques ont un effet antalgique modeste et les inhibiteurs de recapture de la sérotonine apparaissent sans effet.

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